Twitter suspend le compte personnel de Donald Trump de façon permanente
La plateforme de prédilection du président sortant a suspendu son compte de façon permanente vendredi, deux jours après les émeutes de ses partisans qui ont envahi le Capitole pendant plusieurs heures. Il a alors réagi… sur Twitter, « via » le compte officiel du président des États-Unis.
Prévisible, le couperet est tombé. Le président américain n’a désormais plus accès à son compte Twitter personnel. Un événement loin d’être anecdotique : inscrit depuis 2009, il s’exprime sur ce réseau social depuis des années et notamment depuis sa campagne en 2016 puis son élection à la Maison Blanche.
Avec 88 millions de personnes qui le suivent (followers), le réseau à l’oiseau était devenu son canal de communication privilégié, rappelle notre correspondante à Washington, Anne Corpet. C’est via ce réseau social que Donald Trump a limogé des ministres, exprimé sa colère en lettres majuscules, insulté, véhiculé des mensonges, des théories conspirationnistes, rédigé des messages parfois énigmatiques comme le célèbre Covfefe, et annoncé qu’il était positif au coronavirus. Tous les politiques, tous les journalistes de Washington suivaient son compte comme le lait sur le feu. Une exposition avec ses messages les plus célèbres a même eu lieu dans la capitale fédérale.
Ce vendredi 8 janvier dans l’après-midi, c’est encore via un tweet qu’il prévenait de son absence à l’investiture de Joe Biden, son adversaire et vainqueur démocrate, le 20 janvier. Un fait jamais vu depuis 1869.
« Après examen approfondi des tweets récents de @realDonaldTrump et du contexte actuel – notamment comment ils sont interprétés (…) – nous avons suspendu le compte indéfiniment à cause du risque de nouvelles incitations à la violence » de la part du président américain sortant, a expliqué l’entreprise dans un communiqué.
En effet, Donald Trump est tenu pour responsable, jusque dans son propre camp et parmi ses plus fidèles collaborateurs, de l’assaut puis de l’envahissement du Capitole mercredi 6 janvier. Lors d’un meeting peu avant, il avait notamment appelé ses partisans à marcher vers le Capitole, et avait notamment lancé : « Vous ne reprendrez jamais notre pays en étant faibles. Vous devez montrer de la force », avait-il lancé.
Des scènes de violences ont alors causé la mort de cinq personnes, dont un agent de police, Brian Sicknick. Parmi d’autres, la cheffe des démocrates Nancy Pelosi, mais aussi la sénatrice républicaine Lisa Murkowski, demande sa démission. « Je veux qu’il démissionne. Je veux le voir partir. Il a causé assez de dégâts », a déclaré la parlementaire républicaine.
Treize personnes sont poursuivies par la justice fédérale après l’attaque du Capitole mais les arrestations ne font que commencer prévient le FBI qui diffuse partout les photos de dizaines de personnes recherchées, rapporte notre correspondant, Eric de Salve. Pour retrouver ces insurgés, les enquêteurs n’ont pas eu de mal, tant certains sont déjà devenus des célébrités après avoir pavoisé sur les réseaux sociaux et dans les médias lors de leur intrusion dans le Capitole, comme Richard Barnett, qui avait fièrement posté cette fameuse photo de lui les pied posés sur le bureau de Nancy Pelosi. Cet homme de 60 ans a été arrêté dans l’Arkansas. Un élu républicain de Virginie, qui s’était montré en direct sur Facebook, a lui aussi été arrêté.
D’autres insurgés ont été licenciés par leur employeurs, comme cet employé qui avait eu la mauvaise idée d’attaquer le Capitole avec son bagde d’entreprise autour du cou. À Washington, les autorités ont également découvert des armes. Une arme de poing, un fusil semi-automatique et une dizaine de cocktails molotov ont été retrouvés dans le véhicule – garé près du Capitole – d’un homme de 70 ans venu de l’Alabama.
Donald Trump réagit
Jeudi 7 janvier, Facebook et d’autres services comme Snapchat ou Twitch ont aussi suspendu le profil du locataire de la Maison Blanche pour une durée indéterminée. Twitter avait déjà supprimé plusieurs messages du chef de l’État, au lieu de simplement les masquer avec des notes d’avertissement.
Deux heures plus tard, Donald Trump a réagi à cette suspension. Et toujours sur Twitter. En utilisant le compte @POTUS, qui est le compte officiel des présidents américains. Il accuse le réseau social de museler la liberté d’expression. « Twitter est allé encore plus loin dans le muselage de la liberté d’expression, et ce soir, les employés de Twitter ont coordonné avec les démocrates et la gauche radicale le retrait de mon compte de leur plateforme, pour me faire taire moi – et VOUS, les 75 000 000 grands patriotes qui ont voté pour moi », a écrit Donald Trump, depuis le compte de la présidence américaine.
Ce tweet n’était plus visible quasiment immédiatement après avoir été publié. Mais la Maison Blanche a également relayé ce message dans un communiqué. La suspension de son compte Twitter était régulièrement réclamée par les démocrates qui saluent la décision du réseau social. Les partisans du président sont évidemment furieux et parlent de censure, évoquent un climat dictatorial.
Procédure d’impeachment
Au Congrès, les démocrates semblent bien décidés à lancer une deuxième procédure d’impeachment contre Donald Trump, ce qui serait inédit dans l’histoire américaine. Le projet de destitution a donc été écrit en un temps record. Il retient un chef d’accusation contre le président des États-Unis : incitation à l’insurrection.
Ce texte pourrait être présenté à la Chambre dès lundi 11 janvier, et présenté au vote dès le mercredi 13 janvier. « On ne fait pas cela juste pour les dix prochains jours, on fait cela pour les générations futures, explique Jackie Speier, élue démocrate de Californie. Si on n’est pas capable de déclarer que l’incitation à l’insurrection par le président des Etats-Unis est un crime passible d’impeachment alors je ne sais ce qu’est un crime passible d’impeachment ».
Si la Chambre des représentants vote l’impeachment mercredi, le texte irait ensuite devant le Sénat. S’il était voté, l’impeachment compromettrait fortement l’avenir politique de Donald Trump mais le processus risque d’empiéter au-delà du 20 janvier, date de l’investiture, une perspective qui ne suscite guère l’enthousiasme du président élu Joe Biden.
Avec RFI