LA PROSTITUTION DES AFRICAINES EN EUROPE
De manière général, les femmes qui migrent sont soumises aux mêmes conditions que les hommes mais elles sont plus sujettes à la précarité et à l’inactivité. Même si on parle souvent de pauvreté, la prostitution est surtout considérée comme un moins de survie pour ces femmes victimes de toute sorte de discrimination. La précarité des conditions de vie est le facteur majeur de leur vulnérabilité. Elle peut être d’ordre matériel ou financière, mais aussi le logement. Et le manque d’accompagnement conséquent place ces femmes dans des situations de dépendance qui les surexposent à toute sorte d’activités; tant que cela leur apporte les finances ou le confort quelles recherchent. Par exemple un service sexuel contre une rémunération, en échange d’un logement, ou encore intégrer des réseaux de prostitution qui leur font subir toute sorte de barbarie. Comme nous le raconte notre première témoin ; une jeune femme célibataire et mère de deux enfants arrivée en France en 2010 « Depuis que je suis en France je vies de petits boulots précaires. Quand vous rentrez le soir et vous trouverez des factures à payer et des enfants à nourrir, et à découvert dès le 15 mois, vous ne posez plus la question. Alors j’ai commencé à me prostituer. Je le fais principalement le week-end et quelque fois s’il y a une urgence. J’ai la chance si je peux appeler ça ainsi, de choisir les hommes avec qui je couche et j’exige la protection pour préserver ma santé et celle de mes enfants. C’est une copine à moi qui fait ça depuis très longtemps qui nous met en contact. Je ne reçois aucune pression de la part de mes clients. Tout se passe bien très bien. D’ailleurs nous sommes plusieurs copines à faire ce travail. J’avoue je n’en suis fière, il m’arrive de pleurer de regret mais voilà… j’ai besoin de cet argent pour subvenir à mes besoin».
Pour cette autre qui est vit en France depuis 12 ans, Sa vie a basculé un jour de 25 décembre après une violente dispute lors du repas de noël chez les parents de son ex compagnon. « Je suis arrivée en France par le billet de mon ex compagnon qui est français. Après plusieurs années de vie commune, il m’a quittée. Du jour au lendemain je me suis retrouvée sans ressources et sans logement car j’avais perdu mon travail de vendeuse dans le prêt-à-porter. C’est ainsi que j’ai commencé à me prostituer. D’abord avec celui qui m’hébergeait car ici rien n’est gratuit hein! J’ai fini par partir parce que je n’en pouvais plus et il était devenu très méchant. J’ai rencontré des filles qui étaient dans la même misère que moi. Ensemble nous avons décidé de louer un studio. On faisait les trottoirs et travaillait beaucoup dans des bars, on y vivait un enfer. Les patrons nous obligeaient de recevoir des clients sales, ivres, sans hygiène et qui nous traitaient comme des moins que rien. Aux yeux de ces pervers nous sommes tout simplement des objets sexuels. J’ai fait ça plusieurs années parce que c’était ma seule source de revenue. Et étant très active sur les réseaux sociaux (où il faut se montrer toujours bien habillée et classe avec la dernière tendance bien entendu !), il ne fallait surtout pas que les copines sachent que quelque chose a changé dans ma vie. Alors j’ai continué à vivre comme avant car je gagnais beaucoup d’argent. Mais après être tombée plusieurs fois malade et une où j’ai failli mourir, alors j’ai décidé de tout t’arrêter car mon corps ne suivait plus le rythme de vie que l’imposais ». Cette dame a eu la chance de rencontrer une association qui aide ces prostituées à sortir de la rue et les accompagnent vers une réinsertion socioprofessionnelle. Elle se dit regretter d’avoir choisi la facilité. Et elle se bat tous les jours afin de pouvoir retrouver une vie digne et voit deux fois par mois une psychologue.
Il est également important de préciser qu’une catégorie de ces femmes prostituées notamment des Nigérianes sont exploitées par des réseaux de proxénètes qui financent leur voyage sous forme de dette quelles doivent rembourser. Un travail quelles ne font pas par plaisir, mais il faut bien trouver l’argent pour rembourser la dette et subvenir aux besoins de leurs familles. Comme nous l’explique Esther une Nigériane arrivée clandestinement en France en juillet 2015 : « Je me suis prostituée pendant plusieurs années pour rembourser ma dette car ma famille et moi étions menacées de mort par « madame » la femme qui m’a fait venir. Mais aussi subvenir aux besoins de mes enfants restés au pays. Je ne peux même pas te dire avec certitude le nombre de clients que j’avais par jour. J’ai subi des actes sexuels horribles de la part de clients sans scrupules et immoraux. Mais je n’avais pas le choix. J’avoue qu’au début je vivais très mal ma situation. J’étais partagée entre désillusion et l’espoir que tout finira par s’arranger un jour ». Aujourd’hui Esther est hébergée dans un centre d’accueille quelque part en France. Elle a commencé une procédure de demande d’axile et elle n’est plus sous l’emprise de sa « madame » comme elle l’appelle. Mais elle reste traumatisée par tout ce qu’elle a subi. Elle voit également un psychologue afin de l’aider à passer à autre chose.
Parler de leurs souffrances, peines mais surtout des regrets n’a pas été facile. Mais elles espèrent que leurs témoignages serviront de leçon à toutes celles qui seraient tentées de s’aventurer sur ce chemin.
Une enquête réalisée par Fatou SOW.